auteur

MOULLé EDOUARD (1845 - 1923)

Enquête menée probablement dans les années 1880-1910 en Haute-Normandie (département de la Seine-Maritime - région d'Yport - et accessoirement dans un village de l'Eure). « Recueille » également des chants populaires en Espagne (selon la BNF).
Musicien, compositeur, éditeur et marchand de piano. Ami d'Emmanuel Chabrier. Il envoie en 1908 des chants à la revue proche de la Schola Cantorum, Les chansons de France (1906-1913). Il ne collabore à aucune des grandes revues de folklore (Mélusine, Revue des Traditions Populaires, etc). Il harmonise des chansons basques extraites du recueil de Sallaberry (Chants populaires du pays basque, 1870), harmonisations qui apparemment ne seront jamais publiées.
Fruit d'une édition plus commerciale que scientifique (lui-même est éditeur de musique, puis il publiera chez Rouart), son apport aux collectes du répertoire normand a fait l'objet de vives critiques, notamment en ce qui concerne les textes des chansons, remaniés apparemment profondément par l'écrivain Maurice Donnay. Si Tiersot minimise les retouches textuelles, et, surtout, mélodiques (il dit avoir eu accès aux sources de Moullé, Revue des Traditions Populaires, t. VII, 1892, p. 121-123), Van Gennep et Coirault sont en revanche très sévères, au point que le 2ème recueil de chansons normandes (voir plus bas) ne sera pas pris en compte par Coirault dans son Répertoire des chansons françaises de tradition orale, malgré la présence de quelques chansons qui en relèvent.
Des confrontations avec les collectes sonores récentes en pays de Caux et ailleurs en Normandie semblent devoir atténuer les critiques que Moullé a essuyées, ce qui ne fait cependant pas l'unanimité chez les chercheurs actuels.
(Carrault, BNF, complété par nous. Merci à Yvon Davy et Etienne Lagrange, de La Loure, pour leur aide documentaire et leurs remarques éclairantes).

Publications susceptibles de concerner, concernant ou contenant des chansons ou de la musique traditionnelles :
- Cinquante chants populaires recueillis dans la Haute-Normandie et harmonisés par Edouard Moullé. Paris, E. Moullé (1890 -Van Gennep donne 1891, sans doute date d'un retirage, mentionné aussi à la BNF). Contient 50 mélodies.
Consultable sur archive.org
Commentaire Van Gennep : « Textes arrangés par Maurice Donnay. »
Commentaire Coirault : « Presque entièrement folklorique le 1er ouvrage donne sur du piano quelques fort jolies mélodies. On craint qu'elles ne méritent pas une confiance de beaucoup supérieure aux textes verbaux, reformés littérairement par Maurice Donnay (dans les conditions mentionnées p. 3). » (Notre Chanson Folklorique. Bibliographie).
Commentaire Guilcher : Extrait mélodique donné à titre d'exemple (Rondes, branles, caroles. Bibliographie. Chansons et danses traditionnelles. Etudes et collectes. Branles chantés de tradition populaire).
Trente-trois chants populaires de l'Espagne, suivis de 2 habanéras et d'une danse pour piano à 4 mains / harmonisés par Edouard Moullé ; trad. et adaptations par Louis De Peyre. Paris, E. Moullé, 1904. Ouvrage non consulté.
Chants populaires basques, harmonisés par Edouard Moullé pour 1 voix et piano. Chansons extraites du recueil de J. D. J. Sallaberry Chants populaires du Pays basque. Musique manuscrite, daté : Bayonne 1906 et 1907. Un deuxième manuscrit est daté de 1921. BNF MS-19612 et MS-19613. Ouvrages non consultés.
- 2 contributions à Les chansons de France, revue trimestrielle de musique populaire, bulletin de la société Les chansons de France, 1908. Ouvrage non consulté.
Six chants populaires, recueillis dans la Haute-Normandie et harmonisés par Edouard Moullé, textes revus et corrigés par Maurice Donnay. Paris, A. Rouart, Lerolle et Cie [1908]. Ouvrage non consulté.
Cinquante-deux chants anciens recueillis en Normandie et harmonisés par Edouard Moullé en trois recueils. Paris, A. Rouart, Lerolle et Cie. Parus en 3 livrets. 1er livret, 1910, 2e livret, 1911, 3e livret, 1913. Contient 52 mélodies (aucune ne provenant du recueil de 1890). Ouvrage en cours de saisie.
Consultable sur Gallica (les 2 premiers livrets seulement ; l'accès au 3e livret nous a été donné par La Loure).
Commentaire Van Gennep : « Textes arrangés ou inventés. »
Commentaire Coirault : « [Pour ce 2e recueil] le musicien paraît avoir été seul, avec son piano, à supplanter le folkloriste parmi 52 chants anciens où une dizaine ou douzaine de chansons de tradition orale sont éparses. » (Notre Chanson Folklorique. Bibliographie).
Non utilisé dans le Répertoire des chansons françaises de tradition orales.
Non mentionné par Guilcher

Remarques
- Cinquante chants populaires recueillis dans la Haute-Normandie et harmonisés par Edouard Moullé (1890) et Cinquante-deux chants anciens recueillis en Normandie et harmonisés en trois recueils (1910, 1911, 1913).
Si tant est que ses indications soient fiables (leur « honnêteté » a pu être mise en cause), Moullé donne à peu près systématiquement, en fin de partition, des renseignements sur ses informateurs (nom, prénom, métier) et ses lieux de collecte (nous avons complété certains renseignements de l'un des deux ouvrages par ceux donnés dans l'autre). Sur les 102 chansons que contiennent les 2 ouvrages, seules 3 n'ont pas d'indication d'informateur ni de lieu de collecte. Ses informateurs sont au nombre de 35 (dont 2 collectifs), et apportent en moyenne moins de 3 chansons chacun (seuls 3 d'entre eux en apportent plus de 9, le record étant de 21 pour 1 seul informateur). On y trouve relativement peu de notables (1 maire, 1 curé, 1 hôtelier), et de nombreux membres des communautés villageoises, des plus pauvres (5 journaliers) aux fermiers (3) et artisans (chanvrier, cordier, forgeron, cabaretière). Bref, si le nombre d'informateurs est assez peu élevé au regard d'autres collectes, la composition sociale de ce groupe peut laisser penser à une vraie enquête directe.
La plupart des chansons ont été recueillies « dans les environs d'Yport » (Cinquante chants..., Présentation, p. 2) : 56 dans l'ancien canton de Criquetot, 32 dans celui de Fécamp, 5 dans ceux de Valmont et de Goderville, le reste provenant de ceux de Dieppe (1 chanson), d'Eu (1), de Blangy (2), et de la commune de Martainville dans l'Eure (2).
Les textes du 1er recueil ont été, et nettement, réécrits par l'homme de lettres Maurice Donnay (qui sera académicien à partir de 1907). La critique de Coirault est pleinement justifiée : la mention de « l'effacement de sa personnalité », et la réduction de ce travail de réécriture à un « arrangement et une réécriture » fait figure de litote, puisque cela a pu concerner des couplets entiers : « S'il a, par-ci par-là, remplacé complètement quelques vers ou quelques couplets, c'est qu'ils étaient d'une grossièreté inutile » (idem, p. 3). De plus, tout n'est pas considéré comme étant traditionnel par les spécialistes : près du cinquième des chansons de ce recueil n'ont pas été munies d'un numéro de l'inventaire Coirault.
Quant au second recueil, rien n'est dit sur le responsable de la production textuelle (le recueil est dédié à Donnay, mais rien ne dit que ce dernier ait ici aussi réécrit les textes). La critique de Coirault ne parle même plus des textes, et le recueil en son entier ne figure pas parmi les sources du Répertoire des chansons françaises de tradition orale, ce qui sans doute en veut dire long. Rappelons cependant que Coirault mentionne la présence de 10 ou 12 chansons de tradition orale. L'amateur de chansons traditionnelles saura sans doute les reconnaître.
Si la fiabilité des textes est ainsi fortement mise en cause, à juste titre, en est-il de même des mélodies ? Coirault semble le penser : «  On craint qu'elles ne méritent pas une confiance de beaucoup supérieure aux textes verbaux ». Il ne s'en explique malheureusement pas davantage. Songe-t-il à des modifications des mélodies dues aux harmonisations de l'accompagnement de piano ? Celles-ci ne nous ont pas semblé aller au-delà de quelques variations de la longueur des notes finales à chaque couplet, et de légères modifications rythmiques d'un couplet à l'autre. Moullé est sensible à la question des modes en musique traditionnelle (il s'en explique en se parant des travaux de Bourgault-Ducoudray), et un bon nombre des mélodies qu'il publie échappent en effet à la logique réductrice de la « musique bimodale » (majeur / mineur) (idem, p. 5). De même, il est sensible, à sa façon, aux « anomalies » de la « structure » des mélodies, notamment quant à « l'intervention imprévue de mesures binaires dans une ordonnance de mesures ternaires, et réciproquement », qui se produisent « d'une façon symétrique ou dissymétrique ».
Pour conclure sur ce point, et en tenant compte des précautions que Moullé a pensé devoir prendre dans son introduction, il ne nous semble pas que, pour le premier recueil du moins, les mélodies aient subi d'altérations importantes. On peut donc, quoique avec précaution, leur attribuer le label de « sincérité », pour reprendre cette notion à Coirault, et donner ainsi raison, du moins pour les mélodies d'origine traditionnelle, à Tiersot (RTP 1892, p. 121-123). En revanche, pour le deuxième recueil, une grande prudence s'impose : nombre de mélodies sont de toute apparence des compositions, et d'autres cherchent trop à imiter les mélodies traditionnelles (notamment pour les modes, mais souvent de manière très maladroite) sans, nous a-t-il semblé, y parvenir. Quelques mélodies cependant sont de facture traditionnelle.
Si les chansons sont, pour « la plupart, des rondes (...), des légendes, des contes et quelque noëls » (Cinquante chants, Présentation, p. 2), Moullé ne le précise pas dans le détail par la suite. Nous avons donc mentionné « chansons », par défaut, sauf rares indications autres données par Moullé (et, parfois, proposé « ronde » quand la structure de la chanson en permettait l'hypothèse -notamment lorsqu'il y avait mention de réponses).
Les chansons étant publiées sous forme de partitions faites pour être exécutées avec accompagnement, la mélodie est notée plusieurs fois, chacune correspondant à un ou plusieurs couplets. On sait que, dans la littérature folklorique, le cas est rare, qui pourrait permettre d'entendre comment la mélodie varie, par exemple rythmiquement pour s'adapter à des nombres différents de syllabes, ou tout simplement mélodiquement, transcrivant ainsi une performance réelle plutôt qu'un schéma mélodique réduit le plus souvent au 1er couplet.
Malheureusement, dans le cas de Moullé, les variations mélodiques d'un couplet à l'autre sont rares et, comme nous l'avons déjà mentionné, ne concernent le plus souvent que la longueur des notes finales, sans doute adaptée à l'accompagnement, lequel semble être la source principale des variations. Il y a cependant aussi parfois de menues différences rythmiques (une croche pointée devenant croche + silence, par exemple). Plus rarement, il peut y avoir des différences mélodiques (se réduisant en général à une note différente), dont on ne peut savoir s'il s'agit d'une variation, ou d'une erreur de copiste. Nous avons donc pris le parti de reproduire toutes ces différences, quand il y a lieu, ce qui fait que, pour des raisons parfois presque imperceptibles, la mélodie est le plus souvent répétée.

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